mardi 25 juillet 2017

Bédérama, la librairie qui continue à nous surprendre


Cela fait vingt ans que je vais tous les mois chez Bédérama. C’est mon libraire vers lequel je me fournis principalement en comics. Raoul, le patron est d’une gentillesse et d’une serviabilité à toutes épreuves. Alors j’ai voulu en savoir plus pour Bazar Comics. Nous allons à la rencontre d’un libraire qui continue à nous surprendre.


Bédérama 26 galerie de l'Étape 51100 Reims, 51100 Reims, Reims




RAOUL dans sa merveilleuse librairie entièrement consacrée à la bédé: Franco-Belge, mangas, comics.



Ichigo Samuru: Etes-vous tombé dans un chaudron d’encre magique lorsque vous étiez petit?
Raoul: Je ne sais pas. Non pas d’encre magique (rire).
I.S.: D’où vous vient cette passion pour la bédé?
Raoul: Mes parents nous achetaient des revues de bédés: Mickey, Spirou, Tintin. Des trois enfants, je suis le seul à avoir continué.

I.S.: Vous avez été dessinateur!?
Raoul: J’ai dessiné, jamais chez un éditeur.
I.S.: Vous ne désirez pas refaire une bédé?
Raoul: Je continue à dessiner, ou plutôt j’ai recommencé à dessiner.
I.S.: Quel genre de bédé préférez-vous?
Raoul: Je préfère les romans graphiques.
I.S.: Votre auteur préféré?
Raoul: Vaught Bodé, un auteur américain, décédé jeune, vers trente ans.
Vaughn Bodé : Où l'ancien critique de BD pose devant son article dans STP

I.S.: Qui est le maître absolu de la bédé pour vous?
Raoul: Moebius, je sais je ne suis pas très original.
Moebius le maître absolu de la bédé

I.S.: Pensez-vous que la bédé aie encore de l’avenir?
Raoul: Oui mais pas forcément de cette manière.
I.S.: La bédé se porte-t-elle bien au niveau qualité?
Raoul: Oui.
I.S.: Vous avez décidé un jour d’ouvrir cette merveilleuse librairie: Bédérama. Pourquoi?
Raoul: Pour pouvoir proposer des bédés qui me passionnaient.
I.S.: Quel effet cela vous fait-il d’être (si je ne me trompe pas) le seul libraire de bédés sur Reims?
Raoul: Il y a un petit nouveau à la rue du Jarre depuis un an et demi. On se sent un peu seul. Pour une ville comme Reims c’est triste. Plus il y a de commerces, plus il y a de lecteurs. Plus le pôle de librairies est grand, plus cela attire des lecteurs.

I.S.: Vous rendez-vous compte que vous tenez le coup face à la FNAC, Guerlin, Leclerc qui a une belle “librairie” de bédés?
Raoul: A moi de me différencier. Je dois considérer que le livre c’est trop précieux.
I.S.: Votre clientèle est-elle fidèle?
Raoul: Oui. Heureusement que j’ai cette clientèle: je me raccroche au noyau dur.




I.S.: Je me rappelle de vos débuts, cela fait bien 20 ans déjà. Le fait d'agrandir, presque doubler, oh oui si ce n'est plus, votre librairie, était-ce nécessaire?
Raoul: Je me suis posé la question, fallait-il bouger de place? Mais c'était un trop gros investissement. Alors j'ai pris la décision que si je ne m'agrandissait pas une fois, je ne ferai jamais. Comme tout se développait, il fallait bien agrandir, pour bien présenter les bandes dessinées.
I.S.: Aimez-vous votre métier?
Raoul: Drôle de question. Oui, dans l'aspect général. Il y a des parties que j'aime moins... je ne suis pas un bon commerçant au sens de vendeur à tous prix.
I.S.: Le fait de vous rendre à Angoulême, est ce que vous constatez des retombées?
Raoul: Oui, faisant partie d'un réseau de librairies: Canal BD, c'est une façon de se rencontrer. (Le réseau Canal BD négocie avec les producteurs, c'est une force économique: Négocier le mieux pour le client). Cela permet d'échanger et de voir comment les autres travaillent.
Série MEDICIS (CANAL BD) Soleil.
I.S.: parlez-nous un peu d'Internet, parce que vous êtes aussi sur Facebook:
Raoul: Sur Facebook et sur le site Canal BD
Il y a un système de commande. Il est moins connu. On peut aussi choisir sa librairie.
I.S.: Pourriez-vous vous passer d'Internet?
Raoul: Oui, si demain il n'y a plus Internet on survivra. On peut s'en passer, mais pourquoi pas l'utiliser?
Séverine Tréfouël: Ce serait plus dur.


Séverine Tréfouël, co-scénariste, travaille chez Bédérama
I.S.: Pensez-vous que Bédérama puisse tenir longtemps face à la vente sur Internet?
Raoul: Cela fait des années que je dis que non, mais à terme... J'ai une clientèle vieillissante. L'objectif est de rajeunir le lectorat de bande dessinée. Dans la BD, il faudrait qu'ils se modernisent. Les nouveaux lecteurs viennent sur les anciens titres comme Blake & Mortimer. Le lien ne se fait pas.

Je pensais qu'Internet remplacerait la presse BD et au bout de plusieurs mois les gens achèteraient l'album. Cela a amené un public féminin qui lit des bandes dessinées de Blogs, des petites chroniques, exemple: Boulet. Il a plus de succès avec ses BD et chroniques Blogs. Le lectorat ne suit pas toujours celui qui fait des chroniques BD pour acheter une bande dessinée. Le public vient sans doute à la BD à cause de l'art moderne: le public jeune qui n'achète pas du manga.
Angoulême a un aspect professionnel. Ils essaient d'être le Canne de la bande dessinée. Ils prennent un truc très élitiste bien loin de Tintin. Il faudrait un truc qui ne soit pas déstabilisant. Pour l'exemple il y a Boule & Bill et les intellos. Il faut arriver à communiquer. Il faut faire venir un public qui n'est pas dans la librairie.
Le public vieillissant qui collectionne a aussi augmenté le coût de la fabrication des livres. Le lecteur est conservateur, il veut de la qualité. Le support numérique aurait pu faire découvrir un album, mais cela n'a pas l'air de fonctionner.
I.S.: Est-il important pour vous de proposer aux clients des produits dérivés comme les figurines.
Raoul: Pour offrir plus et compenser les méventes. On a une clientèle pour les figurines. Les figurines d'avant ont changé par rapport à celles de maintenant. Pour les affiches, cela a disparu. On achetait Bilal qui avait une clientèle, même des personnes qui ne lisaient pas.
Affiche de Enki Bilal

On est revenu a: "J'aime bien cet album, donc j'achète l'affiche." Les prix ont chuté et la qualité a baissé. Les affiches faisaient partie de l'esthétique BD.
La figurine (ou l'affiche) est un produit d'appoint qui se marie bien à la bande dessinée. On a l'impression que c'est cher, mais il existe des figurines plus chers encore.
La distribution via Internet nous fait du tort, la même chose avec les figurines, car ils proposent des prix plus bas.
La figurine devient compliquée, des fois on veut une figurine en une demi heure, des fois il faut attendre six mois.


I.S.: Organisez-vous encore des dédicaces?
Raoul: oui, même si l'engouement s'est beaucoup restreint. Il faut voir sur Facebook, Canal BD. J'ai fait un mailing. Je mets aussi de la publicité dans l'Union, Vendredi Hebdo, Galerie culture.
Raoul debout, lors d'une dédicace

I.S.: Votre meilleur souvenir de ces années de service?
Raoul: J'en ai plein: les rencontres avec des clients, des auteurs. Des échanges avec des gens.
I.S.: Comment avez-vous vécu l'attentat de Charlie Hebdo et la mort de légendes comme Cabu?
Raoul: On avait reçu Luz. D'un seul coup c'était étrange. Je ne pensais pas que cela soit possible: qu'on tue des gens pour des dessins. Luz est arrivé en retard, il ne s'en est pas remis. Il y avait des auteurs: Cabu, Wolinski... ce sont des gens qui n'auraient pas fait de mal à une mouche.
Cabu et Wolinski
"Quand on accorde pas d'importance à la vie, on accorde pas d'importance à la vies des autres" (Raoul)
I.S.: En deux mots
Hergé: L'arbre qui cache la forêt.
I.S.: Nous voilà à la fin de cette interview, je vous remercie Raoul pour votre patience, et je vous laisse conclure:
Raoul: Vous avez réussi à me faire parler comme jamais. Espérer que la BD continue à nous surprendre.
MOEBIUS-INFINI

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