Bonjour Florent Maudoux, tout
d’abord, comment vous est venue l’idée d’être auteur ?
Je rappelle juste ce qu’on m’a dit : « un auteur est
scénariste et dessinateur » c’est exact n’est-ce pas ?
Alors celle-là on ne me l'avait
jamais faite. D'habitude on me demande comment j'ai eu l'idée de
Freaks. En fait on ne décide pas un jour de devenir auteur, on l'est
au fond de soi, puis parfois la chance vous tombe dessus de réaliser
votre rêve.
Est-ce le dessin ou le fait de
raconter des histoires qui vous ont attiré le plus ?
C'est le fait de raconter des
histoires avec des dessins qui me fait le plus vibrer.
Sur Label 619, j’ai vu votre
travail déjà conséquent, mais une chose m’a surpris c’est
ceci :
« Florent Maudoux croise la plume
avec Ophélie Bruneau dans ce nouvel avatar de l’univers de Freaks’
Squeele ! C’est maintenant en roman que l’auteur
décline les aventures de ses superhéros déjantés »
Alors nous allons reprendre depuis
le début :
Comment présenter Freak’s Squeele
en quelques mots ?
C'est l'histoire de trois étudiants
super-héros un peu loser qui se rendent compte que la fac dans
laquelle ils se sont inscrit est une immense escroquerie.
Il existe une série de base et des
histoires qui en découle, c’est bien cela ?
Oui, mais ces histoires peuvent se
lire indépendamment. Elles ont toutes un début et surtout une fin.
Je déteste les spin-off qui n'ont ni queue ni tête et qui ne
peuvent se comprendre qu'à la lumière du matériau d'origine.
Comment lire votre œuvre avec le
plus de profits ? Parce que si j’ai bien vu, il y a la série
Freak’s Squeele en 7 tomes, il y a Freak’s Squeele Rouge en trois
tomes, Masiko un one shot, Funérails 1 à 3, le Tome 1 du manga
inédit de Chance, et le fameux roman.
Je recommanderais à tout lecteur de
commencer là où il en a envie. En fonction du pitch ou de la
couverture, voire du style de dessin puisque je ne suis que le
scénariste de Rouge. Je suis d'ailleurs très content et fier que
certaines personnes préfèrent Rouge à Freaks.
(Votre humilité vous honore)
Pourquoi avez-vous choisi deux
éditions pour la série Freak’s Squeele, l’une en couleur,
l’autre en NB ?
Je n'ai pas vraiment choisi mais
plutôt subi l'édition couleur.
Quelles sont vos inspirations
principales pour avoir créé cet univers ?
Voilà la question que tout le monde
me pose. La réponse reste la même : la vie, l'actualité, les
femmes.
Une école pour sur-doué, cela
n’est pas trop du déjà vu ? Je pense à l’école de Xavier
fort célèbre ou même dans certains manga japonais.
C'est pour ça que le pitch ne
tourne justement pas autour d'une école de super-héros, mais une
école de super-tocards. Au début je voulais même créer une école
de super-vilains, mais je n'étais pas à l'aise avec l'idée que des
jeunes puissent volontairement s'inscrire dans un tel établissement.
Quel est votre personnage préféré
que vous avez créé ?
Aucun en particulier, je les aime
tous du plus abjectement petit au plus lumineux. Ils n'existent pas
les uns sans les autres.
Ces personnages sont-ils vivants
pour vous ? Parce que pour un lecteur, ils le sont !
Oui, dès l'instant où les lecteurs
leur donnent ce surplus de vie, les personnages de Freaks échappent
à mon contrôle. C'est même le sujet sous-jacent de la série :
à quel moment est-on vivant ou mort ? Comment devient-on le
héros de sa propre histoire ?
Pouvez-vous nous parler des
principaux personnages ?
Je ne ferais que paraphraser le
contenu de Freaks. Et je ne peux pas résumer 14 tomes de BD en une
phrase. L'avantage de développer des personnages sur autant de pages
c'est qu'ils peuvent sortir de leur archétype.
Aimez-vous faire souffrir vos
personnages ?
Non. Mais j'apprends à le faire
plus souvent, parce que s'ils surmontent ces épreuves, ils en
sortent grandit.
Comme je n’ai pas encore tout lu,
je vous pose une question qui peut-être a la réponse dans votre
œuvre. Pensez-vous qu’un de vos principaux personnages puisse
mourir ?
C'est déjà arrivé. Je tiens aussi
à préciser qu'il n'y a pas de résurrection dans Freaks. La Mort
est quelque chose d'irrévocable. Comme... Dans la vraie Vie.
Vous donnez-vous des limites pour
l’écriture de vos histoires ?
Oui, c'est normal et c'est saint de
faire attention à ton général d'une série. D'ailleurs c'est pour
ça que Freaks se décline en spin-off, ils ont tous une identité :
afin de ne pas sortir du contrat passé avec le lecteur sur un titre.
Une série c'est une affaire de confiance, je ne peux pas faire
n'importe quoi sous prétexte que je suis le seul maître à bord.
Trahir la confiance des gens c'est mauvais.
J’ai remarqué que Label 619, dans
le peu que j’ai déjà pu lire, il y a quand même une certaine
morale. Disons que vous dénoncez certaines dérives, par exemple
dans HeartBreaker ou Janitor que j’ai lus dernièrement. Est-ce
juste ?
Oui, on est des gentils garçons
dans le Label. On est touchés par ce qui nous entoure et on défend
des valeurs. Les œuvres sont importantes pour ceux qui les écrivent
et ceux qui les lisent. Elles permettent de se mettre au clair avec
ses propres démons. Boris Cyrulnik a écrit un beau livre sur la
question : nous sommes responsables de ce que nous écrivons.
Attachez-vous une importance à
apporter un message dans Freak’s Squeele comme vos camarades ?
Je m'inclus dans le Label, donc oui,
il y a un sous-texte dans Freaks. Je me suis servi de ma déception
face au système éducatif pour écrire sur le sujet. Le contrat
implicite qu'il y a entre l'éducation nationale et l'élève qui
aujourd'hui est complètement dévoyé. Nous payons une fortune pour
subventionner des usines à chômeurs. C'est d'autant plus
d'actualité que les bacheliers ont eu toutes les peines du monde à
trouver une fac au début de l'été. Freaks a commencé en 2008 et
presque dix ans plus tard le problème reste le même.
Il y a de l’humour dans Freak’s
Squeele, est-ce important pour vous ?
Oui, parce que la Vie et la Mort
c'est ça aussi. A la manière de Pratchett, j'aime beaucoup
déconstruire les figures apocalyptiques comme le Faucheur, la Mort,
le Diable. L'humour est un formidable moyen d'expression et j'ai une
vie très drôle aussi. J'espère transmettre un peu de cette bonne
humeur aux lecteurs.
Que voulez-vous que l’on retienne
de Freaks’ Squeele, Florent Maudoux ?
Que c'est une œuvre honnête moins
bête qu'elle en a l'air.
Nous n’allons pas aller trop loin
dans votre œuvre, car il serait dommage de faire trop de spoiler.
Les premiers lecteurs ont découvert votre univers et leurs aventures
à la sortie de chaque volume alors il ne faudrait pas dégoûter les
nouveaux (comme votre serviteur). Et nous avons déjà un résumé de
chaque volume sur le site du Label 619 (voir le lien ci-dessous).
Quel a été la réaction des premiers lecteurs de Freak’s
Squeele ?
L'accueil a été très bon, très
rapidement. Je suis peut-être arrivé sur le marché de la BD avec
un format et un style qui étaient frais.
Êtes-vous sensible aux remarques
des lecteurs et jusqu’à quel point peuvent-elles vous influencer ?
J'y suis sensible, après il est
toujours difficile de savoir quel impact ça a réellement sur
l'écriture. Mais c'est comme ça que le récit prend vie. D'ailleurs
j'ai voulu faire un hommage aux lecteurs dans le dernier tome de
Freaks.
Freak’s Squeele a été traduit en
anglais. Avez-vous participé à la traduction, en êtes-vous
content ?
Tu oublies de préciser que c'est
une traduction pirate. Non je n'y ai pas participé, mais je suis
très touché d'avoir fait l'attention d'un tel effort. Pour mon
niveau d'anglais il me semble que c'est assez fidèle à l'original.
Ceci dit, une version Anglaise officielle va voir le jour.
(Je ne savais pas pour la version
pirate et je suis heureux pour l’officielle qui va sortir, bravo!)
Freak’s Squeele est classé dans
Comics sur le site de Label 619 en manga sur Manga Fox, pourquoi ?
Je n'en sais pas plus que toi sur la
question. Mon dessin et ma narration sont issus d'un mélange
d'influences cinématographiques, BD et mangas. Pas étonnant que
Freaks soit difficile à classifier.
Pour quels lecteurs avez-vous écrit
Freak’s Squeele ?
Pour mes proches et ma femme en
particulier, c'est aussi la BD que j'avais envie de lire. J'ai été
étonné que le titre soit aussi adopté par les ados alors qu'il
s'adressait à de jeunes adultes.
Y a-t-il des projets autour de
Freak’s Squeele ?
Un livre de jeu de rôle va voir le
jour. Pour le reste on verra.
Le livre est sorti: http://www.ankama-shop.com/fr/livres/1024-freaks-squeele-le-jeu-d-aventure-ecran-livret.html
Si quelqu’un venait et vous
proposait un film comme ce fut le cas pour Valérian, quelle serait
votre réaction ?
Ça dépend qui se propose de faire
le film et avec quel argent. Je commence à mieux comprendre le
milieu du cinéma et c'est avant tout une question de financement et
d'influence.
Avez-vous vu le film « Valérian » ?
Non, mais si la question est de
savoir si je participe au Besson bashing, alors non, j'ai bien aimé
Lucy par exemple. Après je ne suis pas fan de tous ses films non
plus, mais c'est quand même le gars qui a fait Léon.
Que pensez-vous des adaptations
cinématographiques des comics ou des mangas papiers au cinéma ?
Ça dépend des titres, il y a des
films plus ou moins réussis. J'ai bien aimé Watchmen, mais par
exemple je préfère les versions manga de Nausicäa et Akira. Pour
Mutafukaz c'est encore autre chose, comme j'ai participé au film
c'est différent.
En général je préfère oublier le
matériau d'origine pour aborder le film comme un nouvel objet
culturel. Par exemple j'aime Dune le livre et le film de Lynch pour
des raisons totalement différentes.
Quel est, pour vous, le film le plus
réussi ?
C'est une question qui appelle une
réponse subjective ou objective ?
(Ah c’était
plutôt une réponse objective que j’attendais, mais ce n’est pas
important)
Quelques mots sur Doggy Baggs 1 et 6
auxquels vous avez participé ?
J'ai aussi participé au 3 ainsi
qu'au 13.
Les doggybags sont souvent vus comme
des grosses rigolades. Mais comme toutes les BD 619, il y a pas mal
de réflexion derrière.
Que lisez-vous ces jours Florent
Maudoux en comics, en manga ,
en bande dessinée « Franco Belge »
ou autres ?
Je ne fais pas de distingo entre les
comics, manga et BD. Si je dois citer un titre : To your
Eternity de Yoshitoki Oima.
Pour vous qui est LE maître absolu
de la bande dessinée ?
Aucun auteur de BD n'a de maître,
c'est le privilège de bosser dans un milieu qui doit se réinventer
à chaque génération.
Pour vous quels sont les bédés
(tous genres confondus) incontournables, celles qu’il faut lire une
fois au moins.
Personne n'est obligé de lire quoi
que ce soit. Si je cite des noms ça va induire un biais chez le
lecteur qui va se sentir obligé d'aimer ou de détester en fonction
de s'il a ou non aimé mon travail. Je ne veux porter préjudice à
aucun de mes collègues, même à ceux qui sont morts.
Avez-vous lu Bandette ?
Non.
Votre auteur de
bédé préféré ?
La réponse varie selon les périodes
de ma vie. En ce moment j'aime bien Minetaro Mochizuki. Je trouve sa
narration d'une élégance rare.
Votre musique ?
Creedance Clearwater Revival.
Votre écrivain ?
Alain Damasio.
Et votre cinéma ?
Celui des frères Coen.
Ce qui nous amène à poursuivre ce
petit questionnaire, petite torture, eh eh eh, que tous les artistes
doivent affronter, mais vous, vous aurez la dose, Florent, cela vous
apprendra de nous renvoyer à l’école. En deux mot que pouvez-vous
dire sur :
Je n'ai pas envie de répondre à ce
jeu. Désolé mais ça ne présente aucun intérêt.
(Bien vous en avez la totale liberté,
merci pour votre franchise)
Une fois que j'aurais tout lu Freak's Squeel, nous en reparlerons sur BAZAR COMICS. Merci encore à Florent Maudoux pour sa patience sa gentillesse, sa franchise.
Liens:
Ichigo Samuru
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