"... tout m’intéresse, il faut juste une idée de départ, une scène, un personnage."
Bonjour Matthieu Teulé, merci d'accepter une interview pour LES (Les Éditions Samuru).
C’est moi qui vous remercie pour cette invitation.
Comment êtes-vous tombé amoureux de la bande dessinée ?
Tout jeune, grâce à ma mère, on se promenait sur les quais de la seine et on est tombé sur un bouquiniste qui avait plein de vieux « Strange » . A l’époque les vieux numéros étaient beaucoup moins chers que les nouveautés en kiosque. Je suis reparti avec une bonne dizaine sous le bras et c’est devenu un rituel, au moins une fois par mois, on allait voir les bouquinistes…
Quels sont les héros qui ont bercé votre jeunesse ?
Les héros publiés dans Strange, Spidey, Titans, Special Strange… Donc que du Marvel avec évidemment Spiderman en tête de liste.
Avez-vous de suite eu envie de devenir un scénariste de bédés ?
Pas du tout, je n’ai jamais imaginé que c’était possible jusqu’à ce qu’un ami dessinateur me dise d’essayer.
Avez-vous rencontré des oppositions à votre envie de devenir un scénariste de bédés ?
Non pas vraiment, si ce n’est que j’ai trouvé les éditeurs français assez frileux avec les petits nouveaux. Mais peut-être que mes premiers projets ne correspondaient juste pas à leurs différentes lignes éditoriales.
Jean Yves Mitton (L'Archer Blanc, Fantask Force, Mikros, Photonilk) m'a écrit un jour : "Un bon dessinateur dessine sans cesse". Qu'en pensez-vous ? Et pour un bon scénariste c'est la même chose ?
Pour une dessinateur, sûrement. Pour un scénariste, je ne sais pas. Peut-être quand l’on est un grand scénariste mais à mon niveau, je prends le temps. Je laisse les idées arriver à leur rythme, puis je travaille le texte, laisse reposer , retravaille etc… il peut y avoir de longues périodes où je laisse reposer, ça me permet de prendre le recul nécessaire, trouver de meilleures idées etc…
Comment choisissez-vous les thèmes pour une bédé ?
Ce ne sont pas des thèmes mais c’est souvent une scène qui me vient à l’esprit ou un personnage et après l’histoire se construit autour plus ou moins facilement et un thème finit par se dégager. C’est un peu l’inverse d’une dissertation où il faut avoir une problématique avant de commencer à écrire. La problématique arrive à peu près, au milieu du processus d’écriture et après j’affine en fonction. Mais le thème vient souvent après chez moi.
Quels sont vos genres de prédilection ?
Je n’en ai pas, tout m’intéresse, il faut juste une idée de départ, une scène, un personnage. Après, il y a des genres que je ne maitrise pas du tout comme l’Heroic Fantasy » mais du coup en disant cela, cela me tente bien… alors à voir…
Avez-vous de la facilité à choisir les personnages pour vos histoires ?
Oui et non , ça dépends ( pas terrible ma réponse ;) (si si c'est normal, je pense NDLR). Parfois, j’ai une idée de perso qui arrive comme une évidence , parfois je m’inspire de gens que je connais. Après, j’essaie d’enrichir et de donner vie à ce personnage en veillant à ce qu’il n’existe pas déjà ailleurs. Ça m’est déjà arrivé de construire un perso et de me rendre compte qu’il existait déjà. Parfois c’est le hasard et parfois c’est un perso d’une œuvre que j’avais lu et complètement oublié ( donc resté inconsciemment dans un coin de ma tête) . Mais hasard ou pas, je suis obligé de l’abandonner évidemment.
Préférez-vous un héros ou une héroïne ?
Héroïne, il n’y en a pas assez ! après j’avoue que j’ai un faible pour les vilains.
Suivez-vous les quotas ?
Du tout, enfin pas consciemment en tous cas. J’aimerais que les lecteurs s’identifient aux personnages quelque soit leur couleur de peau, leur sexe, etc…
Quand j’étais gamin, je m’identifiais aussi bien à Eddie Murphy dans le flic de Beverly Hills puis jeune ado à Sigourney Weaver dans « Alien » et à la marmotte dans « Un Jour sans fin ».
Sigourney Weaver dans « Alien »
Ne trouvez-vous pas que les libertés d'inventer, de raconter sont de plus en plus réduites de nos jours ?
Les libertés d’inventer non mais de diffuser oui sûrement. Et puis on a peut etre de plus en plus tendance à s’auto censurer de peur d’offenser quelqu’un. A mon avis, c’est une erreur, si quelqu’un est choqué par une histoire, il n’a qu’a pas l’acheter et le problème est réglé. Évidemment je ne parle pas d’extrêmes, il y a des choses qui sont interdites par la loi mais dès lors que c’est autorisé par la loi , tout le monde a le droit d’inventer l’histoire qu’il veut et les gens ont le droit de le soutenir en l’achetant ou au contraire de passer leur chemin. Et si quelque chose est publiée qui vous choque vraiment, vous pouvez porter plainte, c’est aussi votre liberté.
Est-ce que vous vous donnez des limites à ne pas franchir dans les sujets, dans les personnages ?
Aucune limite si ce n’est que j’écris ce que j’ai envie de lire donc n’ayant pas trop de perversions, ça va ;)
Quels sont vos auteurs préférés ?
En comics que des grands auquel je ne peux évidemment pas me comparer : Alan Moore, J Michael Straczynski , Roger Stern, Robert Kirkman, Bill Watterson.
Et en littérature: Asimov , Céline, Balzac et Maupassant ( ça couvre un spectre plutôt large, non ? ;) ).
Qui est selon vous le maître absolu de la Bédé ?
Pour Moi, Alan Moore est le maitre absolu.
Quelle est votre bédé préférée ?
« Triomphe et tourment », une « Graphic Novel » de Roger Stern et Mike Mignola qui raconte le combat de Dr Doom (aidé de Dr Strange) pour sauver sa mère. L’histoire, les dialogues, le découpage, le dessin, la couleur, tout est remarquable.
Par où conseillez-vous un jeune de commencer à lire de la bédé ?
Oula, très bonne question, et pas simple du tout.
Comment travaillez-vous ?
Plutôt bien, j’espère ;) .
Quel matériel utilisez-vous ?
Un ordinateur mais aussi téléphone , papiers, bloc note et stylo. après le tout est de ne pas perdre les feuilles ( ça m’est déjà arrivé ;) ). Mais en même temps, les bonnes idées ou les dialogues qui percutent restent en tête généralement alors si je les perds et que je les oublie c’est qu’ils n’étaient pas assez bons.
Aimez-vous les nouvelles techniques dessiner comme l'ordinateur, les écrans tactiles ?
Je n’ai aucune aptitude au dessin mais alors vraiment aucune. Normalement plus on pratique, plus on progresse ( c’est vrai pour tout d’ailleurs ) et bien moi en dessin, je suis l’exception. Et je vous assure que j’ai gribouillé des heures et des heures, des jours et des jours, pris des conseils voir même des cours avec des pros mais il n’y a rien à faire.
Quelques mots sur les IA et les dessins qu'on peut leurs demander ?
Je n’y connais rien en IA et j’avoue que j’ai de gros préjugés dessus. Il parait que c’est très performant pour écrire des scénarios, des dialogues mais je m’y refuse catégoriquement.
Pouvez-vous nous parler de vos travaux actuels ? Que pouvez-vous nous dire sur Héritage ?
Et bien le numéro 2 d’Héritage est en en train d’être dessiné par Marvin Traoré, les quatre premières pages ont été mises en couleurs et la couverture est en cours de finalisation. Et cette fois, on aura un rythme de parution plus soutenu.
Et sur la suite de Bring On The Bad Guys ?
A la base, une suite n’était pas prévue à cette Anthologie mais il ne faut jamais dire jamais alors si le principe plait, pourquoi pas faire un numéro 2 .
Mais autant c’est un vrai plaisir de travailler avec plusieurs dessinateurs amis, autant en termes de planning et d’organisation c’est vraiment compliqué… Mais encore une fois, si le résultat plait…
Et je termine aussi le scénario avec Jessy Spahija de la suite de « Retour au Normandy »
Est-ce une œuvre qui va durer dans le temps ?
« Heritage » est prévu sur au moins cinq numéros ( le premier Arc est sur cinq numéros) et j’ai déjà la trame du deuxième arc sur cinq numéros lui aussi mais cela dépendra évidemment de la réception de ce premier arc.
Pour le moment, il y a, je crois une vraie attente du numéro 2 . Il faut dire que le gap entre le 1er et le 2nd numéro est monstrueux et j’ai vraiment de la chance que les lecteurs ne se soient pas barrés et soient aussi compréhensifs. Bref si le numéro 2 plait autant que le numéro 1, on va continuer.
Et pour « Retour au Normandy », on va déjà terminer le 2eme tome !
Est-ce que la bande dessinée est le centre de votre univers ?
Non , si un art devait être le centre de mon univers, ce serait plutôt le cinéma . D’ailleurs, la bande dessinée qui me plait, reprends la grammaire du cinéma. C’est ce que j’aime dans le comics : les différentes valeurs de plans, les axes « caméra » …
Aimez-vous lire les critiques de vos œuvres ?
Absolument , c’est toujours intéressant de lire ce qui a plu , déplu, ce qui fonctionne ou pas… Pour le moment j’ai de la chance, je n’ai pas eu de critiques négatives mais je suis preneur de toutes les critiques.
Que diriez-vous a un jeune qui commence ?
De commencer par écrire une histoire qu’il a lui-même envie de lire et de ne pas chercher à faire quelque chose à la mode en se disant qu’il suffira de surfer sur la vague. Vu le temps que ça prend, autant faire quelque chose de vraiment personnel et qui te motive.
Et aussi de commencer par quelque chose de petit , pas se lancer direct sur une histoire qui nécessite 50 tomes.
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