mardi 19 septembre 2017

FLORENT MAUDOUX: L’œil du tigre.

Interview de Florent Maudoux





Bonjour Florent Maudoux, tout d’abord, comment vous est venue l’idée d’être auteur ? Je rappelle juste ce qu’on m’a dit : « un auteur est scénariste et dessinateur » c’est exact n’est-ce pas ?

Alors celle-là on ne me l'avait jamais faite. D'habitude on me demande comment j'ai eu l'idée de Freaks. En fait on ne décide pas un jour de devenir auteur, on l'est au fond de soi, puis parfois la chance vous tombe dessus de réaliser votre rêve.


Est-ce le dessin ou le fait de raconter des histoires qui vous ont attiré le plus ?

C'est le fait de raconter des histoires avec des dessins qui me fait le plus vibrer.


Sur Label 619, j’ai vu votre travail déjà conséquent, mais une chose m’a surpris c’est ceci :

« Florent Maudoux croise la plume avec Ophélie Bruneau dans ce nouvel avatar de l’univers de Freaks’ Squeele ! C’est maintenant en roman que  l’auteur décline les aventures de ses superhéros déjantés »



Alors nous allons reprendre depuis le début :

Comment présenter Freak’s Squeele en quelques mots ?

C'est l'histoire de trois étudiants super-héros un peu loser qui se rendent compte que la fac dans laquelle ils se sont inscrit est une immense escroquerie.



Il existe une série de base et des histoires qui en découle, c’est bien cela ?

Oui, mais ces histoires peuvent se lire indépendamment. Elles ont toutes un début et surtout une fin. Je déteste les spin-off qui n'ont ni queue ni tête et qui ne peuvent se comprendre qu'à la lumière du matériau d'origine.

Comment lire votre œuvre avec le plus de profits ? Parce que si j’ai bien vu, il y a la série Freak’s Squeele en 7 tomes, il y a Freak’s Squeele Rouge en trois tomes, Masiko un one shot, Funérails 1 à 3, le Tome 1 du manga inédit de Chance, et le fameux roman.

Je recommanderais à tout lecteur de commencer là où il en a envie. En fonction du pitch ou de la couverture, voire du style de dessin puisque je ne suis que le scénariste de Rouge. Je suis d'ailleurs très content et fier que certaines personnes préfèrent Rouge à Freaks.

(Votre humilité vous honore)



Pourquoi avez-vous choisi deux éditions pour la série Freak’s Squeele, l’une en couleur, l’autre en NB ?

Je n'ai pas vraiment choisi mais plutôt subi l'édition couleur.

Quelles sont vos inspirations principales pour avoir créé cet univers ?

Voilà la question que tout le monde me pose. La réponse reste la même : la vie, l'actualité, les femmes.

Une école pour sur-doué, cela n’est pas trop du déjà vu ? Je pense à l’école de Xavier fort célèbre ou même dans certains manga japonais.

C'est pour ça que le pitch ne tourne justement pas autour d'une école de super-héros, mais une école de super-tocards. Au début je voulais même créer une école de super-vilains, mais je n'étais pas à l'aise avec l'idée que des jeunes puissent volontairement s'inscrire dans un tel établissement.



Quel est votre personnage préféré que vous avez créé ?

Aucun en particulier, je les aime tous du plus abjectement petit au plus lumineux. Ils n'existent pas les uns sans les autres.

Ces personnages sont-ils vivants pour vous ? Parce que pour un lecteur, ils le sont !

Oui, dès l'instant où les lecteurs leur donnent ce surplus de vie, les personnages de Freaks échappent à mon contrôle. C'est même le sujet sous-jacent de la série : à quel moment est-on vivant ou mort ? Comment devient-on le héros de sa propre histoire ?

Pouvez-vous nous parler des principaux personnages ?

Je ne ferais que paraphraser le contenu de Freaks. Et je ne peux pas résumer 14 tomes de BD en une phrase. L'avantage de développer des personnages sur autant de pages c'est qu'ils peuvent sortir de leur archétype.



Aimez-vous faire souffrir vos personnages ?

Non. Mais j'apprends à le faire plus souvent, parce que s'ils surmontent ces épreuves, ils en sortent grandit.

Comme je n’ai pas encore tout lu, je vous pose une question qui peut-être a la réponse dans votre œuvre. Pensez-vous qu’un de vos principaux personnages puisse mourir ?

C'est déjà arrivé. Je tiens aussi à préciser qu'il n'y a pas de résurrection dans Freaks. La Mort est quelque chose d'irrévocable. Comme... Dans la vraie Vie.



Vous donnez-vous des limites pour l’écriture de vos histoires ?

Oui, c'est normal et c'est saint de faire attention à ton général d'une série. D'ailleurs c'est pour ça que Freaks se décline en spin-off, ils ont tous une identité : afin de ne pas sortir du contrat passé avec le lecteur sur un titre. Une série c'est une affaire de confiance, je ne peux pas faire n'importe quoi sous prétexte que je suis le seul maître à bord. Trahir la confiance des gens c'est mauvais.



J’ai remarqué que Label 619, dans le peu que j’ai déjà pu lire, il y a quand même une certaine morale. Disons que vous dénoncez certaines dérives, par exemple dans HeartBreaker ou Janitor que j’ai lus dernièrement. Est-ce juste ?

Oui, on est des gentils garçons dans le Label. On est touchés par ce qui nous entoure et on défend des valeurs. Les œuvres sont importantes pour ceux qui les écrivent et ceux qui les lisent. Elles permettent de se mettre au clair avec ses propres démons. Boris Cyrulnik a écrit un beau livre sur la question : nous sommes responsables de ce que nous écrivons.

Attachez-vous une importance à apporter un message dans Freak’s Squeele comme vos camarades ?

Je m'inclus dans le Label, donc oui, il y a un sous-texte dans Freaks. Je me suis servi de ma déception face au système éducatif pour écrire sur le sujet. Le contrat implicite qu'il y a entre l'éducation nationale et l'élève qui aujourd'hui est complètement dévoyé. Nous payons une fortune pour subventionner des usines à chômeurs. C'est d'autant plus d'actualité que les bacheliers ont eu toutes les peines du monde à trouver une fac au début de l'été. Freaks a commencé en 2008 et presque dix ans plus tard le problème reste le même.


Il y a de l’humour dans Freak’s Squeele, est-ce important pour vous ?

Oui, parce que la Vie et la Mort c'est ça aussi. A la manière de Pratchett, j'aime beaucoup déconstruire les figures apocalyptiques comme le Faucheur, la Mort, le Diable. L'humour est un formidable moyen d'expression et j'ai une vie très drôle aussi. J'espère transmettre un peu de cette bonne humeur aux lecteurs.

Que voulez-vous que l’on retienne de Freaks’ Squeele, Florent Maudoux ?

Que c'est une œuvre honnête moins bête qu'elle en a l'air.



Nous n’allons pas aller trop loin dans votre œuvre, car il serait dommage de faire trop de spoiler. Les premiers lecteurs ont découvert votre univers et leurs aventures à la sortie de chaque volume alors il ne faudrait pas dégoûter les nouveaux (comme votre serviteur). Et nous avons déjà un résumé de chaque volume sur le site du Label 619 (voir le lien ci-dessous). Quel a été la réaction des premiers lecteurs de Freak’s Squeele ?

L'accueil a été très bon, très rapidement. Je suis peut-être arrivé sur le marché de la BD avec un format et un style qui étaient frais.

Êtes-vous sensible aux remarques des lecteurs et jusqu’à quel point peuvent-elles vous influencer ?

J'y suis sensible, après il est toujours difficile de savoir quel impact ça a réellement sur l'écriture. Mais c'est comme ça que le récit prend vie. D'ailleurs j'ai voulu faire un hommage aux lecteurs dans le dernier tome de Freaks.

Freak’s Squeele a été traduit en anglais. Avez-vous participé à la traduction, en êtes-vous content ?

Tu oublies de préciser que c'est une traduction pirate. Non je n'y ai pas participé, mais je suis très touché d'avoir fait l'attention d'un tel effort. Pour mon niveau d'anglais il me semble que c'est assez fidèle à l'original. Ceci dit, une version Anglaise officielle va voir le jour.

(Je ne savais pas pour la version pirate et je suis heureux pour l’officielle qui va sortir, bravo!)


Freak’s Squeele est classé dans Comics sur le site de Label 619 en manga sur Manga Fox, pourquoi ?

Je n'en sais pas plus que toi sur la question. Mon dessin et ma narration sont issus d'un mélange d'influences cinématographiques, BD et mangas. Pas étonnant que Freaks soit difficile à classifier.

Pour quels lecteurs avez-vous écrit Freak’s Squeele ?

Pour mes proches et ma femme en particulier, c'est aussi la BD que j'avais envie de lire. J'ai été étonné que le titre soit aussi adopté par les ados alors qu'il s'adressait à de jeunes adultes.

Y a-t-il des projets autour de Freak’s Squeele ?

Un livre de jeu de rôle va voir le jour. Pour le reste on verra.


Si quelqu’un venait et vous proposait un film comme ce fut le cas pour Valérian, quelle serait votre réaction ?

Ça dépend qui se propose de faire le film et avec quel argent. Je commence à mieux comprendre le milieu du cinéma et c'est avant tout une question de financement et d'influence.

Avez-vous vu le film « Valérian » ?

Non, mais si la question est de savoir si je participe au Besson bashing, alors non, j'ai bien aimé Lucy par exemple. Après je ne suis pas fan de tous ses films non plus, mais c'est quand même le gars qui a fait Léon.



Que pensez-vous des adaptations cinématographiques des comics ou des mangas papiers au cinéma ?

Ça dépend des titres, il y a des films plus ou moins réussis. J'ai bien aimé Watchmen, mais par exemple je préfère les versions manga de Nausicäa et Akira. Pour Mutafukaz c'est encore autre chose, comme j'ai participé au film c'est différent.
En général je préfère oublier le matériau d'origine pour aborder le film comme un nouvel objet culturel. Par exemple j'aime Dune le livre et le film de Lynch pour des raisons totalement différentes.

Quel est, pour vous, le film le plus réussi ?

C'est une question qui appelle une réponse subjective ou objective ?

(Ah c’était plutôt une réponse objective que j’attendais, mais ce n’est pas important)



Quelques mots sur Doggy Baggs 1 et 6 auxquels vous avez participé ?

J'ai aussi participé au 3 ainsi qu'au 13.
Les doggybags sont souvent vus comme des grosses rigolades. Mais comme toutes les BD 619, il y a pas mal de réflexion derrière.

Que lisez-vous ces jours Florent Maudoux en comics, en manga , en bande dessinée « Franco Belge »  ou autre?

Je ne fais pas de distingo entre les comics, manga et BD. Si je dois citer un titre : To your Eternity de Yoshitoki Oima.


Pour vous qui est LE maître absolu de la bande dessinée ?

Aucun auteur de BD n'a de maître, c'est le privilège de bosser dans un milieu qui doit se réinventer à chaque génération.

Pour vous quels sont les bédés (tous genres confondus) incontournables, celles qu’il faut lire une fois au moins.

Personne n'est obligé de lire quoi que ce soit. Si je cite des noms ça va induire un biais chez le lecteur qui va se sentir obligé d'aimer ou de détester en fonction de s'il a ou non aimé mon travail. Je ne veux porter préjudice à aucun de mes collègues, même à ceux qui sont morts.

Avez-vous lu Bandette ?

Non.

Votre auteur de bédé préféré ?

La réponse varie selon les périodes de ma vie. En ce moment j'aime bien Minetaro Mochizuki. Je trouve sa narration d'une élégance rare.

Votre musique ?

Creedance Clearwater Revival.



Votre écrivain ?

Alain Damasio.



Et votre cinéma ?

Celui des frères Coen.


Ce qui nous amène à poursuivre ce petit questionnaire, petite torture, eh eh eh, que tous les artistes doivent affronter, mais vous, vous aurez la dose, Florent, cela vous apprendra de nous renvoyer à l’école. En deux mot que pouvez-vous dire sur :

Je n'ai pas envie de répondre à ce jeu. Désolé mais ça ne présente aucun intérêt.

(Bien vous en avez la totale liberté, merci pour votre franchise)











Une fois que j'aurais tout lu Freak's Squeel, nous en reparlerons sur BAZAR COMICS. Merci encore à Florent Maudoux pour sa patience sa gentillesse, sa franchise. 



Liens: 




Ichigo Samuru


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